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Agroforesterie en Bande Dessinée

Cet article présente les pages d’une courte bande dessinée réalisée dans le cadre de ma thèse de sociologie sur l’agroforesterie.

Un grand merci à l’atelier “C’est pas très académique” du laboratoire de sociologie de l’Université de Bordeaux, qui a été le lieu de réalisation de ces pages, et au dessinateur Poulop (dont le travail est visible ici: https://educationducrayon.com/) qui a accompagné le groupe dans cet exercice de vulgarisation et synthèse scientifique!

Merci également à toute l’équipe du projet Transagrina, ainsi qu’à la Région Nouvelle Aquitaine et à l’ADEME pour leur soutien dans ce projet de recherche.

J’ai réalisé l’ensemble des textes et dessins présentés ici, ainsi que les photos intégrées aux dessins. Les événements présentés sont inspirés de moments vécus dans différentes fermes. L’inspiration principale vient de deux jours de plantation dans une ferme du Lot et Garonne à la fin de l’hiver 2021.

Le livret de la BD est disponible en lecture seule et/ou en téléchargement libre sur la plate forme http://www.fichier-pdf.fr sous le titre “des humain.es qui (re)plantaient des arbres dans les cultures. Juliette Porte”

Je peux également vous le transférer en version pdf sur demande par mail à l’adresse suivante: portejuliette@gmail.com

Publication du rapport final du programme TRANSAGRINA

Le rapport final et la note de synthèse présentant les travaux du programme Transagrina sont désormais en ligne sur la Librairie de l’ADEME.

Le programme Trajectoires de Transition en Agriculture en Nouvelle-Aquitaine (TRANSAGRINA) a étudié les modalités concrètes selon lesquelles s’actualise la transition écologique en agriculture et a analysé dans quelles conditions celle-ci peut être favorisée, voire « intensifiée et massifiée », ou au contraire ralentie et limitée. Ce programme de recherche a choisi d’appréhender ces questions à l’échelle d’un territoire en particulier : la Région Nouvelle-Aquitaine.

https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/6277-transagrina.html

Innovations agroécologiques face à la transition énergétique et climatique en Nouvelle-Aquitaine : exemple de l’agroforesterie

Juliette PORTE est doctorante en sociologie. Elle est l’une des 16 candidat·es de la finale régionale 2023 du concours Ma thèse en 180 secondes de l’université de Bordeaux.

Ma thèse en 180 secondes est un concours réservé aux doctorant·es dont l’enjeu est de présenter son sujet de recherche en termes simples et devant un auditoire profane et diversifié.

Chaque participant·e doit faire, en trois minutes et avec une seule diapositive à disposition, un exposé clair, concis et néanmoins convaincant sur son projet de recherche. 

Son laboratoire : Centre Émile Durkheim

Son sujet de thèse : Innovations agroécologiques face à la transition énergétique et climatique en Nouvelle-Aquitaine : exemple de l’agroforesterie

Finale du jeudi 16 mars 2023 à l’Agora – Domaine du Haut-Carré sur le campus de l’université de Bordeaux à Talence.

Les GIEE, un instrument d’action publique en faveur de la transition agroécologique ? Présentation synthétique d’un stage de recherche dans le programme TRANSAGRINA

Leïla Brulé Kopp a réalisé un stage au Centre Emile Durkheim du 01/03/2021 au 31/08/2022 au sein du programme TRANSAGRINA dans le cadre d’un Master de recherche interdisciplinaire Agroécologie, Connaissances, Territoires Et Société (ACTES, AgroParisTech). Le stage a été encadré par Delphine Thivet (Université de Bordeaux, Centre Emile Durkheim) et ses résultats sont consignés au sein d’un mémoire de recherche intitulé : « Les instruments d’action publique en faveur de l’agroécologie en France à l’épreuve du terrain. Le cas des Groupements d’intérêts économiques et environnementaux (GIEE) de Nouvelle-Aquitaine » (2021). En s’appuyant sur une enquête de terrain qualitative portant sur quatorze collectifs labellisés GIEE et sur les institutions accompagnant et encadrant le dispositif, elle a décrypté le déploiement régional d’un instrument emblématique de l’institutionnalisation de l’agroécologie en France. Leïla Brulé Kopp propose dans le texte ci-après une synthèse de sa recherche.

Quelques éléments de contexte : L’institutionnalisation de l’agroécologie en France prend corps dans le « Projet agroécologique pour la France » introduit par le Ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll en 2012. Le concept, initialement approprié en France par les tenants des agricultures « alternatives » en critique à l’agriculture productiviste, est réduit lors de son inscription au sein de la Loi d’avenir 2014 à un ensemble de techniques agronomiques au service de la « triple performance » (économique, environnementale et sociale). Le Projet agroécologique pour la France est matérialisé par un ensemble de chantiers, d’actions et de plans à décliner à l’échelle régionale. Le Groupement d’intérêt écologique et environnemental (GIEE), instauré par la Loi d’avenir 2014, est présenté par le ministre et les députés socialistes comme un instrument d’action publique central dans le processus de transition agroécologique des territoires. Les GIEE sont des « collectifs d’agriculteurs reconnus par l’État qui s’engagent dans un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux ». La labellisation en GIEE fait suite à la réponse à un appel à projet encadré par la DRAAF, et son examen par la Commission régionale de l’économie agricole et du monde rural (COREAMR). La région Nouvelle-Aquitaine occupe la première place nationale en nombre de GIEE, ex æquo avec l’Occitanie (DRAAF Nouvelle-Aquitaine, 2018). La labellisation GIEE permet le financement sur trois à six ans de l’animation du collectif par un organisme de développement agricole, et facilite l’accès à certaines aides financières, au même titre que la labellisation en Agriculture biologique (AB).

Présentation de l’enquête : Cette étude est basée sur une trentaine d’entretiens réalisés en Région Nouvelle-Aquitaine auprès des acteurs situés aux différentes échelles de la mise en œuvre : les agents de la DRAAF Nouvelle-Aquitaine, les « référents agroécologie » des structures têtes de réseaux (la Chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, le Négoce agricole Centre-Atlantique, la Fédération régionale des CUMA, Nouvelle-Aquitaine, Bio Nouvelle-Aquitaine, la coordination régionale des Centres d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural Nouvelle-Aquitaine, la Coopération agricole de Nouvelle-Aquitaine), les animateurs et animatrices de 14 GIEE, les agriculteurs et agricultrices membres de ces mêmes 14 GIEE. Parmi ces entretiens, certains ont été menées en binôme (avec Delphine Thivet et Daniele Inda), d’autres à distance sur Zoom en raison des restrictions liées à la crise sanitaire de la Covid-19.

Objectif de l’étude : L’objectif de cette étude a été de rendre compte de manière compréhensive de l’opérationnalisation à l’échelle régionale du dispositif que constitue le GIEE. La politique publique agroécologique a été examinée « par le bas », en partant des acteurs qui la mettent en œuvre. Il s’est agi d’interroger en quoi la mise en œuvre des instruments produit des contraintes mais aussi constitue une ressource pour son public-cible.

Résultats principaux :

  • L’appropriation régionale du Plan agroécologique : construction d’une feuille de route régionale de l’agroécologie et d’une grille d’évaluation pour sélectionner les projets labellisés GIEE

 Les entretiens réalisés auprès des agents de la DRAAF Nouvelle-Aquitaine ont permis de confirmer les marge de manœuvre dont disposent les services déconcentrés du Ministère de l’Agriculture dans la mise en œuvre du Plan agroécologique. Si un rapport du CGAAER soulignait en 2020 qu’il n’existait aucun « projet agro-écologique en région formellement défini dans quelle que région que ce soit» (rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux : Allimant et al., 2020, p. 14, c’est nous qui soulignons), la DRAAF néo-aquitaine se distingue par la constitution d’une « feuille de route de l’agroécologie » à l’initiative de l’agent « référent agroécologie ». La feuille de route insiste sur la nécessité de « reconcevoir » les systèmes (diversification des cultures, couverts végétaux, plantation de haies, etc.) lorsque cela est possible (polyculture-élevage, élevage, grandes cultures, maraîchage) et porter une attention renouvelée à la biodiversité (réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires, plantation de haies, etc.) si ce n’est pas le cas (viticulture, arboriculture). Cette approche dite « systémique » a pu être influencée par la formation d’agronome de l’agent qui a coordonné son élaboration.

Dans le cas des GIEE, la DRAAF a constitué en 2018 une grille d’évaluation pour sélectionner les projets lauréats, dans le but de pallier aux lacunes des critères de l’instruction technique du ministère jugés trop « vagues » et parfois « redondants » (entretiens avec les agents de la DRAAF). Désormais chaque dossier est noté par « quatre ou cinq personnes » de la DRAAF et de la Région, et le dossier est retenu s’il obtient la moyenne (entretiens avec les agents de la DRAAF).

Les entretiens réalisés à la DRAAF Nouvelle-Aquitaine ont permis de mettre en exergue une question autour des « modèles » agricoles éligibles au dispositif GIEE, et en particulier le cas de collectifs dont les membres sont déjà labellisés en AB. Ne sont retenus que des projets qui envisagent un travail « sur d’autres volets que leur propre cahier des charges ». Les entretiens à la DRAAF de Nouvelle-Aquitaine ont également permis de mettre en évidence deux raisons principales de refus des dossiers. D’une part sont mis de côté des projets considérés comme étant « mal écrits », « non préparés », révélant l’opération de sélection à l’aune des attentes normatives du personnel administratif mais aussi l’importance des ressources dont disposent les groupes pour répondre à l’appel à projets. D’autre part, sont écartés des projets « hors cadre », notamment ceux se focalisant exclusivement sur la mise en place de circuits courts. Cela renvoie aux critères retenus pour qualifier l’agroécologie, qui se situe pour l’appréciation des dossiers GIEE « au niveau de l’amont et des pratiques agronomiques de production » (entretiens avec les agents de la DRAAF).

Ainsi, la DRAAF, en tant que structure en charge de l’évaluation des dossiers éligibles à la labellisation GIEE construit un ensemble de cadres normatifs qui jouent un rôle décisif dans la définition des contours de l’agroécologie au prisme de l’instrument d’action publique.

  • L’action publique « par projet » et le rôle des acteurs intermédiaires (référents agroécologie, animateurs et animatrices des GIEE)

L’institutionnalisation de l’agroécologie par le gouvernement français a mené à l’intégration du concept dans les structures de développement agricole assurant l’accompagnement techniques des acteurs sur le terrain. La rencontre de personnes identifiées comme « référent agroécologie » au sein des « têtes de réseaux » régionales a permis d’investiguer l’appropriation régionale du concept. Au niveau de la Chambre régionale d’agriculture, de la Fédération régionale des CUMA, du Négoce agricole Centre-Atlantique (NACA) ou de la Coopération agricole Nouvelle-Aquitaine, l’agroécologie est incorporée au sein d’un service environnement qui préexistait à la Loi d’avenir de 2014. L’introduction du concept n’a par ailleurs pas donné lieu à une création spécifique de poste dans les structures dites « alternatives » (Bio Nouvelle-Aquitaine et Coordination régionale des CIVAM), dont la promotion de pratiques respectueuses de l’environnement et favorisant l’autonomie des exploitations constituent le socle même de leur existence. Les « têtes de réseaux » régionales se partagent finalement l’activité de conseil auprès des agriculteurs et agricultrices, et représentent un relai de la diffusion des dispositifs du programme agroécologique auprès des agents employés dans les structures départementales. La majorité des acteurs rencontrés ont insisté sur le rôle déterminant que jouent selon eux ces « conseillers » ou « animateurs » dans la mise en place de collectifs labellisés GIEE, ce qui pourrait être résumé par l’extrait suivant : « sans animateur il n’y a pas de programme, il n’y pas de structuration, il n’y pas de projet, il n’y pas de suivi » (entretien avec un agent de Bio Nouvelle-Aquitaine, juin 2021).

Les entretiens (n=14) auprès des animateurs et animatrices ont permis de dégager différentes dimensions de leur travail d’accompagnement à la « transition agroécologique » des collectifs labellisés GIEE : l’identification proactive par les animateurs et animatrices de collectifs auxquels la labellisation GIEE pourrait bénéficier ; l’activité de réponse à l’appel à projet qui place l’animateur·rice se en position d’acteur intermédiaire entre les agriculteur·rice·s et le comité d’évaluation ; le travail d’animation d’un collectif en GIEE qui nécessite de combiner plusieurs types de compétences, notamment agronomiques et relationnelles.

  • Les effets et usages des GIEE de Nouvelle-Aquitaine

L’étude approfondie de 14 GIEE suggère que les GIEE regroupent des agriculteur·rice·s aux profils particuliers, qualifiés de « leaders » par les animateur·rice·s. Les entretiens auprès de ces derniers ont permis de mettre au jour leurs trajectoires et suggère l’existence de trois dimensions caractéristiques des agriculteurs prenant en charge la dynamique collective du GIEE : (1) un engagement militant de longue date ; (2) un attrait pour l’expérimentation et la recherche-action ; (3) une implication au sein de nombreuses institutions locales et nationales.

Parmi les GIEE étudiés, on a pu observer par ailleurs soit exclusivement des agriculteur·rice·s qualifié·e·s de « leaders », soit l’existence d’une implication hétérogène. Cette dernière rend visible les ressources matérielles, temporelles et culturelles nécessaires pour faire face aux coûts des changements de pratiques. En effet, plusieurs entretiens sont marqués par l’expression de conditions de travail éprouvantes, notamment chez les éleveurs laitiers commercialisant leur production en circuit long (faible rémunération). Le dispositif GIEE ne permettant pas la compensation économique des risques inhérents à la mise en place de nouvelles pratiques agricoles, il semblerait que son déploiement soit limité à des agriculteur·rice·s disposant déjà de ressources suffisantes pour assumer les multiples coût d’une transition.

L’étude menée auprès des 14 GIEE a finalement permis de mettre en évidence un usage « inattendu » du dispositif. Le GIEE apparaît en effet comme un outil de communication autour d’un monde agricole se décrivant en crise. En permettant la formalisation d’une démarche « agroécologique » reconnue par l’État, la labellisation en GIEE vient notamment à l’appui de la légitimation de « modèles » agricoles parfois concurrents.

Conclusion

En adoptant une approche croisant sociologie de l’action publique et sociologie des mondes agricoles, cette étude a permis de rendre compte de manière compréhensive du déploiement régional de la politique publique agroécologique en Nouvelle-Aquitaine. Le recours à l’agroécologie, entendue comme un ensemble de techniques agronomiques au service de la « triple performance », justifie une territorialisation de l’action publique, caractérisée par une marge de manœuvre importante laissée aux acteurs de la mise en œuvre. L’étude des GIEE a permis de décrypter l’opérationnalisation d’une action publique « par projet » qui repose sur l’activité cruciale d’acteurs intermédiaires, en particulier les animateurs et animatrices accompagnant les collectifs labellisés. L’enquête empirique auprès des membres de GIEE a mis au jour les coûts des changements de pratiques et leur impact sur les conditions de travail des agriculteurs et agricultrices (voir le programme TRASAD). Finalement, un usage inattendu de l’instrument d’action publique émerge de la confrontation au terrain, à savoir la légitimation de « modèles » agricoles concurrents dans le contexte du changement climatique.




Retour sur un travail d’étude et de recherche : les difficultés de conversion à l’agriculture biologique

Gaby Flora Michel a réalisé un stage au Centre Emile Durkheim du 01/02/2022 au 24/05/2022 au sein du programme TRANSAGRINA dans le cadre de la préparation d’un Travail d’Étude et de Recherche de L3 en sociologie (Université de Bordeaux). Son stage a été co-encadré par Delphine Thivet et Joan Cortinas et a porté sur le sujet suivant : “Étude sociologique des trajectoires de transition de l’agriculteur conventionnel à l’agriculture biologique en Région Nouvelle-Aquitaine“. Elle a réalisé d’une part, un état de la littérature sur la thématique de la conversion à l’Agriculture Biologique (AB) dans la sphère académique française (1), d’autre part, elle a effectué une enquête de terrain qualitative auprès d’agriculteurs et agricultrices ayant obtenu la certification AB depuis moins de 3 ans (2).

Quelques résultats issus d’un travail d’étude et de recherche sur les difficultés de la conversion vers l’agriculture biologique (2)

Quelques éléments de contexte : Durant l’année 2020, selon les chiffres de l’ORAB (Observatoire Régional de l’Agriculture Biologique, L’agriculture biologique en région Nouvelle Aquitaine, Chiffres 2020 et tendances 2021), la région Nouvelle Aquitaine dispose du deuxième plus grand nombre de fermes et exploitations certifiées en agriculture bio. Les productions biologiques représentent 9.5% de la Surface Agricole Utile (SAU, ci-après) de la région, un chiffre en augmentation depuis plus de 10 ans. Les départements de la Gironde, de la Charente-Maritime et des Landes dans lesquels s’est déroulée l’enquête qui sous-tend ce travail d’étude représentent cependant des situations constrastées à cet égard. En effet, la Gironde présente le plus fort taux de surface certifiée ou en conversion avec 14,7% de la SAU en 2020, tandis que le département des Landes se situe dans la moyenne basse de la région (7,2% de la SAU). La Charente Maritime est le département avec le plus faible taux de production biologique (4,5% de la SAU).

Présentation de l’enquête de terrain : Cette étude est basée sur une série d’entretiens menés auprès d’agriculteurs ayant fait la démarche d’une certification biologique il y a moins de trois ans (n=8). De même, d’autres entretiens auprès d’acteurs para-agricoles, des conseillers en conversion biologique en Chambre d’Agriculture ou au sein des Agrobio des trois départements susmentionnés ont été menés (n = 7). Les noms des enquêté.es ont été anonymisé.es. Parmi les huit agriculteur.trices interrogé.es, un travaille en Charente Maritime, six en Gironde et un dans les Landes. Six travaillent dans le domaine de la vigne et deux sur des grandes cultures (céréales et asperges). Trois sont des femmes (entre 38 et 54 ans) et cinq sont des hommes (de 32 à 50 ans). Les vignerons girondins représentent une grande partie des individus ayant bien voulu partager un entretien. On observe que la vigne représente 55,89% de la SAU bio du département (chiffres de l’ORAB, 2020) pour au contraire 42,55% de la SAU totale du département (source : De Guenin, Philippe, et al. Memento 2020, Nouvelle Aquitaine, SRISET Nouvelle-Aquitaine, 2020), ce qui souligne l’importance de la vigne dans les agriculteurs bio du département et pourrait expliquer en partie la sur-représentation des vignerons dans l’échantillon.

Objectif de cette étude : Nous avons cherché à comprendre le cheminement agronomique et personnel des individus dans le cadre des parcours professionnels des agriculteurs se convertissant à l’agriculture biologique en ayant travaillé auparavant au sein d’un modèle conventionnel, et ce dans une échelle temporelle plus large que celle de la certification. Nous nous sommes centrées sur ce profil, en faisant abstraction des nouveaux agriculteurs s’installant en agriculture biologique directement.

Le temps long de la transition

A. Des changements agronomiques antérieurs au processus de certification officielle

Dans les entretiens menés auprès d’agriculteurs en conversion vers l’agriculture biologique, tous les individus interrogés font état de changements agronomiques antérieurs à la démarche de certification et à la notification à l’Agence Bio. Nous ferons alors la distinction ici entre la transition, qui évoque tous les changements agronomiques entrepris par les anciens agriculteurs conventionnels qui s’engagent dans un nouveau mode de production, et la certification, qui est la reconnaissance institutionnelle du processus précédemment amorcé. Si la transition se fait sur le temps long et représente un processus entrecoupé et discontinu, la certification en est la version linéaire, notifiée administrativement à l’Agence Bio. La conversion décrit quant à elle les réorganisations cognitives décrites par les agriculteurs, qui peut être un processus plus ou moins difficile selon le capital culturel des individus.

B. Des trajectoires différentes dans la réduction des intrants


Durant ce processus de transition, les agriculteurs biologiques interrogés font état de différentes stratégies dans l’adaptation progressive de nouvelles techniques agronomiques, qui représentent des stratégies différentes dans l’adoption d’évolutions dans leur degré d’agroécologisation. Ils diminuent leur usage de produits chimiques progressivement durant des années, soit en arrêtant les produits les plus forts et décriés (CMR notamment) et finissant par ceux perçus comme les plus « doux », tandis que d’autres diminuent petit à petit la période de traitements en finissant par les périodes durant laquelle la vigne est la plus sensible (la période de floraison principalement).

Il est également possible de passer par d’autres certifications, comme la certification HVE, très critiquée, qui n’exige pas de profonds changements de pratiques chez les agriculteurs engagés. Cependant, plusieurs fois durant ces entretiens cette certification a été
décrite comme une manière pour les agriculteurs conventionnels d’évoluer dans leurs pratiques, ce qui peut les amener à finalement s’engager dans une démarche biologique. Ceci s’expliquerait par le fait que la certification HVE a un impératif d’évolution constante, d’une année sur l’autre, et que certains finiraient par se tourner vers l’agriculture biologique comme une suite logique.

C. Cette zone d’entre-deux normatif est le lieu d’inégalités entre les agriculteurs

La période de transition pré-conversion reste une période d’entre-deux normatif pour beaucoup d’agriculteurs qui doivent faire face à des coûts supérieurs sans compensation institutionnalisée. Les agriculteurs dont la transition se fait avec le moins de problèmes apparaissent être ceux qui ont le plus de capital culturel ou économique au préalable. En effet, il est possible d’analyser comparativement ici les cas de Luc et de Élias. Le premier est titulaire d’un bac professionnel et a repris le vignoble de 15 hectares de sa famille, sur lequel travaillait sa mère auparavant. Il n’a pas un grand capital économique et a dû ruser durant sa période de transition, en « bricolant », dans un premier temps, en essayant de se fabriquer une nouvelle tondeuse, ce qui s’était conclu sur un échec. Il avait eu ensuite recours à un investissement bon marché, des disques pour gratter le pied, d’environ 500 euros. D’un autre côté, Élias a un capital scolaire distinctif avec son diplôme d’ingénieur agricole avec option gestion, et un capital économique plus élevé alors qu’il reprend lui aussi le domaine familial, d’une centaine d’hectares, avec son frère. Il souligne l’importance des investissements qu’il a dû faire durant la transition de l’entreprise, mais sans faire référence à des péripéties de matériel.

Il en est de même pour les circuits de commercialisation dans lesquels s’engagent les agriculteurs. Valérie est vigneronne depuis onze ans sur la propriété dont elle a fait l’acquisition avec son mari. Elle est titulaire d’un BTS en tourisme avec une option accueil. Elle a également beaucoup travaillé dans le tourisme avant sa bifurcation professionnelle et peut ainsi investir un savoir-faire acquis précédemment dans sa nouvelle activité. Elle a opté pour la commercialisation de ses produits pour les circuits courts, qui la met en contact avec les clients et lui demande donc une démarche d’explicitation dans laquelle elle est favorisée grâce au capital culturel dont elle est doée. Or, c’est grâce à cette démarche qu’elle arrive à augmenter le prix de sa bouteille progressivement durant sa période de transition, et ce sans avoir de label bio. Elle ne dit pas alors qu’elle produit « en bio » mais plutôt « sans produits chimiques » par exemple, et s’engage dans des démarches d’oenotourisme, ou encore dans le réseau Bienvenue à la ferme.

***

Pour conclure, la période de transition agronomique qui se fait avant la conversion et qui est courante parmi les agriculteurs interrogés se vit différemment selon leur capital social et économique, comme on a pu le voir autour de la question du matériel et de l’investissement mais également autour de la commercialisation des produits. L’importance du capital économique peut s’observer également autour de la main d’oeuvre, alors que face à la hausse de la charge de travail Luc va dépendre d’une main d’oeuvre familiale non rémunérée venant de sa mère, tandis que d’autres vont pouvoir embaucher. Cette période délicate de transition pré-conversion est donc critique et fait dépendre les agriculteurs de leurs dotations en capital, à défaut de soutien public. De plus, les cheminements des agriculteurs interrogés remettent en question la vision linéaire représentée par la certification, qui ne laisse pas de place aux retours en arrière ou aux cheminements plus accidentés.

Les difficultés de la conversion à l’agriculture biologique. Un état de la littérature

Gaby Flora Michel a réalisé un stage au Centre Emile Durkheim du 01/02/2022 au 24/05/2022 au sein du programme TRANSAGRINA dans le cadre de la préparation d’un Travail d’Étude et de Recherche de L3 en sociologie (Université de Bordeaux). Son stage a été co-encadré par Delphine Thivet et Joan Cortinas et a porté sur le sujet suivant : “Étude sociologique des trajectoires de transition de l’agriculteur conventionnel à l’agriculture biologique en Région Nouvelle-Aquitaine“. Elle a réalisé d’une part, un état de la littérature sur la thématique de la conversion à l’Agriculture Biologique (AB) dans la sphère académique française (1), d’autre part, elle a effectué une enquête de terrain qualitative auprès d’agriculteurs et agricultrices ayant obtenu la certification AB depuis moins de 3 ans (2).

Etat de la littérature sur la thématique de la conversion à l’Agriculture Biologique (AB) (1)

Dans le chapitre « Enjeux et débats actuels sur la conversion à l’AB » de l’ouvrage Transitions vers l’agriculture biologique. Pratiques et accompagnements pour des systèmes innovants (Éducagri éditions, 2009), Stéphane Bellon et Claire Lamine distinguent
deux principales manières d’étudier la transition agricole. La première regroupe les approches les plus classiques, qui se font sur le temps court, d’une manière individualisante et se focalisent principalement sur les motivations des agriculteurs. Or, les auteur.es déplorent un manque de considération du fait que le changement est un phénomène collectif, ce qui les amène à distinguer une deuxième manière d’étudier les transitions. Celle-ci serait plus pluridimensionnelle et prendrait plus en compte le temps long et les différences au sein même des conversions, en fonction des profils sociologiques des individus. Nous chercherons donc ici à rendre compte des publications sociologiques qui puissent aider à étudier les conversions des ancien.nes agriculteur.trices conventionnel.les qui s’engagent dans une démarche de conversion en agriculture biologique. Ceci permettra de sortir des difficultés techniques pour questionner l’organisation du travail, la place de l’aide institutionnelle et celle des pairs autour de deux questionnements liés : qui transitionne et pourquoi, et comment on transitionne ? Dans leur article intitulé « Passages à l’agriculture biologique, une diversité de processus » (2014), Françoise Alavoine-Mornas et Sophie Madelrieux reprennent une distinction de Andrew M. Pettigrew (1990) entre « une approche causale (le pourquoi) [et] une approche séquentielle (le comment) » (p. 67) dans l’étude des transitions, que nous suivrons dans cet état de l’art.


I. Les études ayant questionné les profils des agriculteurs.trices en conversion vers l’AB

A. Les études à une échelle micro-sociologique

Après avoir fait la distinction entre les approches « causales » et « séquentielles », Françoise Alavoine-Mornas et Sophie Madelrieux cherchent à distinguer l’engagement personnel de l’individu dans les valeurs de l’agriculture biologique qui s’observe dans son mode de vie, et l’engagement de l’exploitant dans les pratiques agronomiques biologiques. Elles peuvent alors créer une typologie des cheminement de transition en inscrivant celui-ci, à l’aide d’une étude qualitative par entretien, dans les cheminements philosophiques et personnels de l’individu, de sa famille. Le premier type de cheminement est appelé « l’officialisation » (p. 69) représente l’idéal-type de l’individu bio classique, dont la certification ne représente pas plus qu’une validation institutionnelle d’un engagement qu’il ou elle prenait au quotidien et sur son exploitation depuis longtemps. «L’imprévu » (p. 70) représente un changement de mode de production pour un exploitant qui a vécu un événement qui l’a fait remettre en question son mode de vie aussi bien que dans son mode de production. « L’opportunité » (p. 71) réunit les cheminement qui se font plus par un plan économique, mais moins sur les philosophies de l’individu. Enfin, « la résolution de tension au niveau individuel » (p.71) est une transition qui est le fruit de problèmes économiques ou de contradictions identitaires mais qui est déclenchée par un événement particulier.

Une autre typologie autour de la transition en agriculture biologique a été proposée par Denise Van Dam dans son ouvrage Les agriculteurs bio, vocation ou intérêt ? (Presses universitaires de Namur, 2005). Psychologue belge ayant également un doctorat en sciences sociales, Denise Van Dam présente une typologie non pas des cheminements des individus mais des agriculteurs certifiés eux-même, à partir d’une enquête qualitative par entretien menée auprès d’agriculteurs de Flandre et de Wallonie. Elle distingue quatre types d’agriculteurs biologiques en se basant sur la méthodologie de l’approche biographique proposée par Michel Legrand (L’approche biographique, Desclée de Brouwer, 1993). Les « convertis » (p. 33) ont un parcours scolaire faible et ont repris l’exploitation familiale et vivent un « événement biographique » (p. 28), c’est-à-dire une circonstance qui génère une bifurcation dans la vie d’un individu, quel que soit son domaine (économique, familial, autour de la santé …). Cet accident leur fait faire des changements dans leur vie en créant une confrontation entre un nouveau modèle de vie et ce qu’ils vivent effectivement. En outre, les « chercheurs d’or » (p. 39), s’ils ont également un niveau scolaire plutôt faible et descendent également de parents agriculteurs, ne remettent pas particulièrement en question leur mode de vie mais recherchent plutôt la continuité du modèle de l’agriculteur indépendant, autonome.
L’agriculture biologique est une option parmi d’autres et ces exploitants ont donc un intérêt plus dominé par le rapport économique que les agriculteurs précédents. Les deux autres groupes proposés dans cette typologie ne descendent pas nécessairement d’une famille d’agriculteurs, et ont un capital culturel plus conséquent. Les premiers, les « militants » (p. 42) ont vécu une période de remise en question durant leurs études supérieures et se sont engagés dans une exploitation biologique avec un sentiment fort de résistance. Parallèlement, les « chercheurs de sens » (p. 51) s’engagent plus tard dans l’agriculture biologique suite à des ruptures professionnelles ou biographiques et s’engagent sur un ton plus intérieur bien qu’ils sont également en partie dans un sentiment de rébellion. Denise Van Dam distingue même, parmi les chercheurs de sens, les « jusqu’au bout » des « ras le bol » (p. 52) selon qu’ils aient un départ positif ou négatif dans cette démarche.
Cependant, les études micro-sociologiques ont le défaut de ne pas ou peu prendre en compte le contexte dans lequel est inscrite la transition, qu’il soit économique, social, territorial. Nous allons nous pencher alors sur les études ayant essayé d’apporter un point devue collectif à un questionnement causal sur les transitions agricoles vers l’agriculture
biologique.

B. Les études prenant en compte le système socio-technique

Florence Hellec et André Blouet, dans un chapitre d’ouvrage intitulé « La conversion à l’agriculture biologique » (2014) souhaitent reprendre la notion de carrière héritée de Everett C. Hughes en la définissant comme le moyen d’ « analyser [une vie professionnelle] comme le produit d’une dialectique constante entre des décisions relevant de logiques individuelles et des balisages institutionnels » (p. 125). Ainsi, les sociologues prennent en compte les réorganisations cognitives des agriculteurs tout en gardant en tête le contexte professionnel et institutionnel. Ils en tirent deux idéaux-types, le premier représentant les agriculteurs travaillant sur des surfaces de taille moyenne touchés par une perte d’enthousiasme pour leur mode de travail et qui ont moins d’obligations économiques. Ils font donc un calcul coût/avantage à l’aide des individus membres de leur contexte social, lequel est déterminé également par les possibilités d’aides économiques proposées dans le contexte institutionnel. Le deuxième idéal-type serait plutôt celui des petites exploitations, ayant déjà des pratiques biologiques, se convertissant avec un accompagnement des aides publiques.

Madelyne Samak se pose quant à elle la question du profil scolaire et le degré d’intégration dans les instances de socialisation rurales, dans un article intitulé « Devenir agriculteur biologique, les conditions sociales d’un hétérodoxie professionnelle » (2021). Elle explique que ceux et celles qui disposent d’un fort capital scolaire ainsi que les individus ayant pris de la distance avec les institutions familiales et les organisations professionnelles seront les exploitants les plus à même de faire des changements agronomiques. Dans un questionnement parallèle, Aurélie Cardona et Claire Lamine proposent de reprendre la théorie des réseaux sociaux de Mark Granovetter développée dans son ouvrage Société et économie en proposant d’étudier la structure du réseau personnel des agriculteurs et de chercher une corrélation entre la nature des liens personnels et la probabilité de faire des changements agronomiques ainsi que leur résistance dans le temps. C’est ce qu’elles développent dans un chapitre d’ouvrage intitulé « Liens forts et faibles en agriculture, l’influence des modes d’insertion socio-professionnelle sur les changements de pratiques » (2014). Ainsi, les agriculteurs ayant un réseau marqué par des liens forts sans emprise mais aussi quelques liens faibles ont une plus forte probabilité pour faire des changements, au contraire de ceux disposant d’un réseau avec beaucoup de liens faibles mais sans réel liens forts, ou alors ceux qui n’ont que peu de liens forts avec emprise, sans liens faibles divers pour remettre en question les informations fournies. Dans ces deux derniers cas, les autrices soulignent qu’il est tout de même possible de s’engager dans des changements agronomiques, mais jamais des bifurcations importantes.

Une autre piste de réflexion est apportée par Frédéric Nicolas dans sa thèse « Entrer en agriculture biologique. Sociologie politique d’une professionnalisation sous contrainte (1945-2015) » soutenue en 2018. L’aménagement de la part de l’État d’un titre encadrant qui est agriculteur biologique et qui ne l’est pas, la certification est passée par une définition de normes et donc des frontières du champ de l’agriculture biologique, ce qui est un enjeu de taille. Frédéric Nicolas explique que ce contrôle par la certification représente une « professionnalisation “par le haut” » (p. 296) de l’agriculture biologique, par l’État auquel échappait l’agriculture biologique militante tant qu’elle n’était pas normée. Cela signifie qu’il ne faut pas perdre de vue les enjeux de pouvoir derrière l’analyse du contexte professionnel et institutionnel dans lequel s’inscrivent (ou ne peuvent pas s’inscrire) les agriculteurs.

C. Les explications au niveau territorial


Pour continuer dans la recontextualisation des vocations pour l’agriculture biologique, quelques études prennent une échelle territoriale afin de comprendre le contexte dans lequel s’inscrit un agriculteur.
C’est le cas de Claire Lamine et Stéphane Bellon, dans l’article précédemment mobilisé, qui, en chapitre 3, propose de prendre en compte une échelle d’analyse similaire à celle des territoires, en comptabilisant les circuits longs, la restauration collective, les acteurs de l’aval mais également les politiques territoriales pour comprendre dans quel contexte est-ce que la transition s’inscrit. Aurélie Cardona, dans le chapitre « Acteurs non-agricoles et changements de pratiques agricoles » ( 2014), développe comment les interpellations de la part d’individus ne faisant pas partie de la profession agricole peuvent être à l’origine de changements de pratiques agronomiques en reliant les individus socialement et en développant la relation de l’agriculteur comme des acteurs non agricoles au territoire.

II. Études ayant étudié les dimensions matérielles de la conversion à l’agriculture biologique


Au-delà des études causales sur les transitions en agriculture biologique, d’autres
travaux se sont penchés sur la réalité de la conversions, ses modalités concrètes, les implications plus larges qui se jouent en son sein. Ces travaux relèvent donc d’approches séquentielles : ils soulignent les formes et l’importance de la formation pour les agriculteurs en transition, ainsi que les différentes manières de s’engager dans une conversion, tandis que d’autres cherchent à savoir si le profil sociologique des individus a un impact sur leur transition. Enfin, quelques études mettent en lumière les réorganisations cognitives qu’éprouvent les agriculteurs durant ces années de changements.


A. L’importance et les modalités de la formation

Un numéro de la revue Pour a été dédié, en mars 2013 à la question de la formation des agriculteurs dans le cadre large de la transition agricole. L’article de Émilia Chantre, « L’apprentissage des agriculteurs en transition agroenvironnementale » souligne l’importance de l’exemple par les pairs, sans en conclure à leur exclusivité. En effet, à partir d’une enquête par entretiens auprès de céréaliers, elle expose une diversité des modes de formation autant que des modes d’expérimentation. Les agriculteurs qui souhaitent faire beaucoup de changements afin d’atteindre leur style agronomique idéal vont multiplier les groupes d’expérimentation et de formation tout en faisant des expériences de comparaison sur ses terres, tandis que ceux qui ne souhaitent que diminuer leurs intrants vont rester dans un réseau social limité et les liens forts. Elle souligne également que des changements dans les pratiques, quelles qu’elles soient, résultent dans un changement dans les modes de formation.
Béatrice Dégrange et Marie-Odile Nouvelot illustre ce thème en partageant dans la même revue le témoignage d’Odile Leman, ancienne agente commerciale à Paris convertie à l’agriculture biologique en rejoignant son mari sur son exploitation en GAEC15 et qui a dû apprendre « sur le tas » (p. 234). Les sociologues analysent le parcours d’Odile Leman comme faisant appel à sa « socialisation » avec par exemple le conseil qui lui a été donné par son mari, mais également des « apprentissages fortuits », c’est-à-dire passant par des canaux qui n’avaient pas pour but l’apprentissage, comme les soirées qui deviennent le lieu d’échanges, eux-mêmes autant de possibilités de formation pour Odile Leman. Enfin, Béatrice Dégrange et Marie-Odile Nouvelot citent l’« apprentissage autodirigé » (p. 233) de l’interrogée qui partage son désir de formation et les formations par stage qu’elle a suivies, ses abonnements à des revues techniques et l’accompagnement des conseillers.

La question des conseillers dans la formation des agriculteurs désirant changer leurs pratiques agronomiques est traité par Paul Olry dans un autre article de la revue. L’auteur souligne que le conseil est une interaction dans laquelle deux individus sont inscrits : les agriculteurs et les techniciens, et que l’accompagnement relève donc plus d’une « réflexion conjointe » (p. 224) qu’une remise verticale d’expertise agronomique. Ceci s’inscrit dans le cadre plus large de l’instabilité des données scientifiques sur les performances agronomiques des pratiques agro-écologiques.

B. Les modalités de la conversion

Après ces travaux sur les modes de formation et la place ambigüe des conseillers, il
est possible de se poser la question des trajectoires de transition des agriculteurs. C’est celle à laquelle Claire Lamine, Jean-Marc Meynard, Nathalie Perrot et Stéphane Bellon ont répondu dans un article intitulé « Analyse des formes de transition vers des agricultures plus écologiques : les cas de l’Agriculture Biologique et de la Protection Intégrée » (2009). Ils distinguent des cheminements différents, le premier pouvant être décrit comme une trajectoire « directe sans apprentissage antérieur » (p. 485) qui caractérise les transitions effectuées des années 1990 aux années 2000, et qui sont plutôt rapides. D’autres trajectoires sont dites « directes mais préparées » lorsqu’elles font suite à des expérimentations ou une formation qui donnent leur ton à la conversion. Enfin, les trajectoires peuvent être « progressives » si elles se font sur une plus grande période temporelle. Dans la thèse d’Émilia Chantre, entre la sociologie et l’agronomie, Apprentissages des agriculteurs vers la réduction d’utilisation d’intrants en grandes cultures : cas de la Champagne Berrichonne de l’Indre des années 1985-2010, il est également souligné l’importance dans la transition de passer par étapes, qu’elle appelle des « phases de cohérence agronomique » (p. 73).


C. Le lien avec le profil sociologique de l’individu


Jusqu’ici, les enquêtes citées qui cherchaient à répondre à un questionnement séquentiel sur la transition en agriculture biologique ne se sont pas confrontées frontalement à l’origine sociale comme facteur d’explication des trajectoires. Frédéric Nicolas, dans sa thèse précédemment citée s’intéresse à cela lorsqu’il distingue plusieurs types d’agriculteurs biologiques selon leur positionnement dans l’espace social, et cela influe sur le niveau de sanction auquel ils vont devoir faire face. En effet, les « héritiers sans héritage » (p. 401), qui sont plus alignés sur les normes sociales dominantes, alors que les « ingénieux » sont alignés aux normes des milieux dans lesquels leur qualité de technicien est valorisée. En revanche, les « artisans » et les « omnivores » seront davantage sanctionnés socialement. Les premiers du fait de leur manque de capital économique qui les restreint dans leurs choix, tandis que les seconds peuvent au moins un peu plus soutenir leurs choix du fait de leur meilleurs capitaux économiques et culturels. Du fait de tous ces mécanismes, le cheminement agronomique et personnel des uns sera plus ou moins facilité selon la structure de leurs capitaux.

D. Réorganisations cognitives


Pour comprendre de plus près la réalité de la transition vers l’agriculture biologique, certain.es auteurs et autrices se sont penchés sur les réorganisations cognitives que devaient traverser les futurs agriculteurs bios. C’est le cas par exemple de Florence Beguin, Étienne Bourgeois et France Merhan dans un article titré « Dynamique identitaire, trajectoire biographique et apprentissage dans le processus de conversion d’agriculteurs “conventionnels” vers l’agriculture biologique » (2019). Les auteur.es expliquent que la transition entre en interaction avec les éléments biographiques de l’agriculteur, ce qui a une part importante dans la transition, qui n’est donc pas uniquement un phénomène technique. En effet, la transition est une période marquée par beaucoup de réflexivité pour un agriculteur, qui observe une réorganisation parfois existentielle durant cette période. Annie Dufour, François Alavoine-Mornas, J. Godet et Sophie Madelrieux évoquent dans un article intitulé « Diversité des cheminements en agriculture biologique : le sens du métier en question ? »(2016) les évolutions dans le sens que l’exploitant prête à son métier durant toute la transition, en parallèle des changements de pratiques. L’agriculture biologique est pour l’agriculteur une transformation dans ses manières de travailler qui irriguent ses manières de voir le monde et l’ouvre à des engagements dans des domaines dans lesquels ces nouvelles valeurs sont mobilisées, et ceci est une évolution constante durant la conversion à l’agriculture biologique.

CONCLUSION

Nous avons pu observer durant cet état de l’art que la sociologie a beaucoup traité des transitions agronomiques, à la fois avec un regard causal et un regard séquentiel. À une échelle microsociologique, les transitions sont expliquées différemment selon les typologies biographique de Denise Van Dam et de cheminement vers l’agriculture biologique pour celle de Françoise Alavoine-Mornas et Sophie Madelrieux. En recontextualisant ces transitions à une échelle socio-technique, celles-ci peuvent être expliquées par la notion de « carrière » empruntée à Everett C. Hughes par Florence Hellec et André Blouet, par l’inscription des individus dans les instances de socialisation rurales pour Madlyne Samak et par la structure de leur réseau social personnel en empruntant la notion de Mark Granovetter selon Aurélie Cardona et Claire Lamine. Claire Lamine et Stéphane Bellon rappellent l’importance de l’échelle des territoires pour expliquer les dynamiques de conversion, ce qu’étudie Aurélie Cardona dans la place des acteurs non agricoles dans l’explication des changements de pratiques agronomiques.
La réalité des conversions peut-être décrite de différentes manières. Certains auteurs et autrices reviennent sur l’importance et les modes de la formation comme Émilia Chantre qui souligne l’importance des rapports interpersonnels dans les apprentissages bien qu’ils ne soient pas suffisants pour tout expliquer, et Béatrice Dégrande et Marie-Odile Nouvelot proposent l’exemple d’Odile Leman pour illustrer ce point. Paul Olry souligne la place ambigüe des conseillers professionnels bien qu’ils fassent partie intégrante des politiques de soutien à l’agriculture biologique. D’autres auteurs et autrices, comme Claire Lamine, Jean-Marc Meynard, Nathalie Perrot et Stéphane Bellon portent une typologie des trajectoires de transition, tandis que Frédéric Nicolas met en exergue les inégalités des agriculteurs dans la transition vis-à-vis de la sanction sociale que des choix agronomiques inhabituels peuvent faire peser. Enfin, d’autres recherches se penchent de manière plus microsociologique sur les évolutions dans le sens accordé au métier par les agriculteurs en transition, et sur le fait que ces évolutions les amènent à s’engager dans des nouveaux domaines, comme le font Florence Beguin, Étienne Bourgeois et France Merhan ou Annie Dufour, Françoise Alavoine-Mornas, J. Godet et Sophie Madelrieux.

Journee d’etude: “QUELLE PLACE POUR L’AGROECOLOGIE DANS LA PAC 2023-2027 ?”

Le CECOJI (Centre Étude et de COpération Juridique Interdisciplinaire) a organisé une journée d’étude sur le thème « Quelle place pour l’agroécologie dans la PAC 2023-2027 ? », le jeudi 23 juin 2022 à la Faculté de droit et sciences sociales de l’Université de Poitiers.

Mise en ligne des interventions, sur le site UPtv à l’adresse suivante :

https://uptv.univ-poitiers.fr/program/quelle-place-pour-l-agroecologie-dans-la-pac-2023-2027/index.html

La nouvelle programmation de la politique agricole commune devrait débuter le 1er janvier 2023 après un long et âpre processus de négociation. Les trois règlements européens qui en constituent désormais le socle, publiés le 6 décembre dernier (JOUE n° L 435, 6 déc. 2021, p. 1-314), s’inscrivent dans le cadre plus large du « Pacte vert pour l’Europe » (COM/2019/640 final) et de ses stratégies connexes : « farm to fork » (COM(2020)381 final) ; « Biodiversité 2030 » (COM(2020)380 final) et « Protection des sols » (COM (2021) 699 final). Les États membres jouent dans cette partition nouvelle un rôle essentiel : c’est à eux qu’il revient, par le truchement de leur plan stratégique national, de donner corps au projet écologique de l’Union européenne.

Quelle place pour l’agroécologie dans cette programmation à venir ?

Cette question se pose car si la politique agricole française vise à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques qui combinent performance économique, sociale, environnementale et sanitaire, jusqu’à présent l’Union européenne n’a jamais cherché à en faire le fer de lance de sa politique. Elle soutient toutes les pratiques agricoles durables : de l’agriculture de précision à l’agriculture biologique, de l’agroécologie ou de l’agroforesterie à l’agriculture écologiquement intensive (Règl. (UE) 2021/2115, consid. 26). Cette journée d’étude se propose donc de chercher si la réforme change cette perspective et si un modèle agroécologique européen émerge.

La PAC 2023 repose sur une nouvelle gouvernance fondée sur une nouvelle approche de la performance : l’Union fixe un budget, des objectifs et des exigences de base, tandis que les États membres assument une plus grande part de responsabilité dans la manière dont ils réalisent ces objectifs et atteignent les valeurs cibles (Règl. (UE) 2021/2115, consid. 3). Cette journée d’étude se propose d’interroger cette transformation structurelle, financière et méthodologique de manière à saisir si elle répond à l’ambition agroécologique de la PAC.

Enfin, la PAC 2023 comprend une série d’instruments qui visent directement ou indirectement l’agro-écologisation des pratiques agricoles : les paiements directs et les mesures en faveur du développement rural évidemment (règl. (UE) n° 2021/2115) mais aussi les dispositions qui relèvent de l’organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles et des systèmes de qualité (règl. (UE) n° 2021/2117). Cette journée d’étude se propose de comprendre s’il s’agit d’une réforme profonde des instruments de la politique agricole commune, d’un simple renforcement du verdissement ou d’un statu quo.

***

Cette journée d’études a été organisée dans le cadre du programme “Trajectoires de Transition en Agriculture en Nouvelle-Aquitaine” (TRANSAGRINA).

Sous la direction scientifique de R.-J. Aubin-Brouté, Maître de conférences en droit privé (Université de Poitiers), F. Aubry-Caillaud, Maître de conférences en droit public, HDR (Université de Bordeaux), L. Bodiguel, Directeur de recherche au CNRS et D. Thivet, Maître de conférences en sociologie (Université de Bordeaux).

Faculté de Droit et Sciences Sociales – Amphi Hardoin
43 place Charles de Gaulle, Poitiers

https://droit.univ-poitiers.fr/journee-detude-quelle-place-pour-lagroecologie-dans-la-pac-2023-2027/

Attachement à la terre ou sens de la place sociale : Que fait la domination sociale au village aux réformes agraires post-socialistes ? (ATELIER D’HISTOIRE ET DE SOCIOLOGIE RURALES)

La prochaine séance de l’Atelier de lecture en histoire et sociologie rurales accueille Pierre Deffontaines (CESAER, INRAE) pour une présentation intitulée : 

Attachement à la terre ou sens de la place sociale : Que fait la domination sociale au village aux réformes agraires post-socialistes ?

Cette séance aura lieu le lundi 9 mai de 11h à 13h dans l’amphithéâtre de l’University of London Institute in Paris (9-11 rue de Constantine, Paris 7e) et pourra être accessible à distance via un lien visio-conférence.

L’inscription est obligatoire pour cette séance :

Ci-dessous voici la liste des textes qui serviront de support à cette rencontre :

  • P. Deffontaines, « ‘Travailler pour soi’ ? Les petits exploitants dans l’Ukraine postsocialiste. », La Nouvelle Revue du Travail, n° 18, 2021 (accessible en ligne : https://journals.openedition.org/nrt/8340)
  • P. Deffontaines, « Attachment to land or sense of social place: What does social domination make to agrarian transformations ? », article en cours de rédaction disponible sur demande en écrivant à sylvain.brunier at sciencespo.fr

journée d’étude “la performance environnementale : nouveau paradigme des politiques agricoles ?”

Cette journée d’étude organisée par le CECOJI et l’Institut de Droit rural, en collaboration avec l’Association française de droit rural Centre-Ouest aura lieu le mercredi 16 mars 2022 dans les locaux du centre-ville de la Faculté de droit de l’Université de Poitiers, de 9h à 17h, en présentiel uniquement. Une captation vidéo est prévue. Un lien vers la vidéo sera adressé à tous les inscrits dans les semaines qui suivront. Vous trouverez le programme ci-dessous.

L’inscription est gratuite mais obligatoire sur le site de l’Institut de droit rural. Pour vous inscrire, CLIQUER ICI.

Organisation :

Benoît GRIMONPREZ, Professeur d’Université et Raphaèle-Jeanne AUBIN-BROUTE, Maître de conférences en droit privé, membre de l’équipe TRANSAGRINA


Journée d’études organisée dans le cadre du projet FAST (Facilitate public Action to exist from peSTicides, financé par ANR et rattaché au programme prioritaire de recherche « Protéger et cultiver autrement » : https://www6.inrae.fr/cultiver-proteger-autrement/) et du programme TRANSAGRINA (Trajectoires de Transition en Agriculture
en Nouvelle-Aquitaine
, financé par l’ADEME et la région Nouvelle-Aquitaine)

Projets de transition écologique des systèmes agri-alimentaires territoriaux : l’articulation entre participation et expérimentation (ATELIER D’HISTOIRE ET DE SOCIOLOGIE RURALES)

La prochaine séance de l’Atelier de lecture en histoire et sociologie rurales aura lieu autour des travaux de Claire Lamine (Ecodéveloppement/ ACT, INRAE) pour une présentation intitulée :

Projets de transition écologique des systèmes agri-alimentaires territoriaux : l’articulation entre participation et expérimentation

 Cette séance aura lieu le lundi 7 mars de 11h à 13h dans l’amphithéâtre de l’University of London Institute in Paris (9-11 rue de Constantine, Paris 7e) et pourra être accessible à distance via un lien visio-conférence.

 L’inscription est obligatoire pour cette séance. A noter deux liens pour s’inscrire : 

– Un pour une participation dans les locaux (in person) :

https://www.eventbrite.co.uk/e/on-site-latelier-de-lecture-en-histoire-et-sociologie-rurale-c-lamine-tickets-267595243577

– Un pour une participation en ligne (online) : https://london.ac.uk/institute-in-paris/events/latelier-de-lecture-en-histoire-et-sociologie-rurale-claire-lamine-projets-de

Celles et ceux qui s’inscrivent pour une participation en ligne recevront un lien Zoom juste avant l’événement. 

Organisation :

Stéphanie Barral (INRAE, LISIS), Sylvain Brunier (CNRS, Centre de Sociologie des Organisations), Benoît Leroux (Université de Poitiers, GRESCO), Niccolò Mignemi (CNRS, LIED), Edouard Morena (University of London Institute, Paris), Jeanne Oui (EHESS, Centre Alexandre Koyré) et Delphine Thivet (Université de Bordeaux, Centre Emile Durkheim)

“Ecologisation des pratiques agricoles, réappropriation collective des terres et question des communs” – Festival Filmer le travail – Poitiers – 7 et 8 février 2022

Alexis Cukier, Benoît Leroux, et l’équipe de Filmer le travail organisent 2 journées d’études (7 et 8 février 2022) à l’Auditorium de la Maison Sainte Croix à Poitiers.
Ces temps d’échanges réunissant agricultrices, agriculteurs, cinéastes, chercheur.es et militant.es mettent en débat les processus de l’écologisation des pratiques agricoles, les enjeux de la réappropriation collective des terres et la question des communs.

Projections de films, expositions et temps conviviaux sont également au programme :

https://filmerletravail.org/filmer-le-travail-edition-2022/

ATELIER D’HISTOIRE ET DE SOCIOLOGIE RURALES, University of London Institute, Paris

L’Atelier de lecture en histoire et sociologie rurales reprend ses activités en 2021-2022, accueilli par l’University of London Institute in Paris.

https://www.archiviomariogiacomelli.it/en/memorie-di-una-realta/

Chaque séance associe l’intervention d’un chercheur ou d’une chercheuse et la présentation d’un choix de textes, d’articles ou d’extraits, suivie d’une discussion collective.

Organisation :

Stéphanie Barral (INRAE, LISIS), Sylvain Brunier (CNRS, Centre de Sociologie des Organisations), Benoît Leroux (Université de Poitiers, GRESCO), Niccolò Mignemi (CNRS, LIED), Edouard Morena (University of London Institute, Paris), Jeanne Oui (EHESS, Centre Alexandre Koyré) et Delphine Thivet (Université de Bordeaux, Centre Emile Durkheim)

Première séance : Romain Filhol (Docteur en géographie, Chercheur associé au Lab’Urba – Université Paris Est), Intermédiation formelle et informelle dans la filière de la tomate à industrie en Italie du Sud.

Elle aura lieu le lundi 8 novembre 2021 de 11h à 13h. Cette première intervention se déroulera en visio-conférence mais le séminaire aura lieu par la suite en format hybride.

L’inscription est obligatoire pour chaque séance via le lien Eventbrite accessible à partir de la page suivante : https://london.ac.uk/institute-in-paris/events/workshop-rural-history-and-sociology-atelier-de-lecture-en-histoire-et

Le lien de visioconférence ainsi que les deux lectures suivantes seront envoyés aux participant.e.s inscrit.e.s en amont de la séance :

  • Romain Filhol, « Vivre au “Grand Ghetto” : entre ségrégation socio-spatiale et redéfinition des carrières migratoires des travailleurs agricoles sub-sahariens en Italie du Sud », in Eleonora Canepari, Béatrice Mésini et Stéphane Mourlane (dir.), Mobil hom(m)es. Formes d’habitats et modes d’habiter la mobilité (XVIe-XXIe siècles), La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2016, p. 157-168
  • Romain Filhol, « Du “caporale” au “caponero”. L’intermédiation de main-d’œuvre agricole migrante en Italie du Sud », Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, n° 129-1, 2017, p. 41-56 https://journals.openedition.org/mefrim/3333

Programme des séances suivantes :

13 décembre 2021 : Marie-France Garcia (INRAE, CESSP), Économie, ethnographie et marché

10 janvier 2022 : Ivan Bruneau (UMR Triangle, Université Lyon 2) et Nicolas Renahy (CESAER, INRAE), Mondes ruraux et classes sociales

7 mars 2022 : Claire Lamine (Ecodéveloppement/ ACT, INRAE), Le rôle de l’articulation entre arènes de débat et arènes d’expérimentation collective dans des projets territoriaux de transition alimentaire

9 mai 2022 : Pierre Deffontaines (CESAER, AgroSup Dijon), Attachement à la terre ou sens de la place sociale : que fait la domination sociale au village aux réformes agraires post-socialistes ?

13 juin 2022 : Margot Lyautey (CAK, EHESS), Léna Humbert (EHESS), Christophe Bonneuil (CNRS, CRH – EHESS), Présentation de l’ouvrage « Histoire des modernisations agricoles au XXe siècle » (Presses universitaires de Rennes, 2021)

Un jeu pour parler de l’agriculture

Journée d’atelier collaboratif avec les partenaires de TransagriNA, 28 juin 2021

Le 28 juin 2021, des membres du projet de recherche TransagriNA se sont retrouvés avec leurs partenaires pour un atelier collaboratif autour de l’agriculture. L’objectif était de permettre une rencontre entre chercheurs et non-chercheurs pour une discussion sur les enjeux agricoles.

L’équipe de TransagriNA a choisi de s’orienter vers un jeu pédagogique sur le modèle de la fresque du climat. La fresque du climat et son pendant agricole la Fresque AgriAlim’ sont des jeux pédagogiques dont l’objectif est de faire réfléchir un groupe de personnes sur les enjeux du changement climatique et du fonctionnement du système agro-alimentaire. Les ateliers sont basés sur la discussion : un animateur distribue des lots de cartes à un groupe de joueurs. Chaque carte indique un thème “pivot” du climat, par exemple: “biodiversité sous-marine”, “sécheresse” ou “activité industrielle”. Le groupe doit d’un commun accord relier ces cartes par un lien de cause à effet. A la fin du jeu, le groupe obtient ainsi une fresque qui donne une vision globale des impacts du changement climatique (dans le cas de la fresque du climat).

L’objectif de cette journée de rencontre était donc d’entamer la création d’un jeu pédagogique. Nous souhaitions poser les bases d’un jeu qui faisait apparaître les enjeux sociaux, politiques, économiques des modèles agricoles en Nouvelle Aquitaine. Notre objectif pour la fin de la journée était d’avoir les titres des cartes et les liens entre elles. En cas de besoin d’informations, nous avons à notre disposition les rapports Acclimaterra et NéoTerra sur l’état de l’agriculture en Nouvelle Aquitaine.

Plusieurs personnes de TransagriNA étaient présentes : Leila Brulé, stagiaire de M2 dans le projet, Marie Charru, enseignante-chercheuse agronome de BSA, Daniele Indra, post-doctorant, Juliette Porte, doctorante, et Delphine Thivet, enseignante-chercheuse en sociologie à l’Université de Bordeaux et directrice du projet. Lionel Jordan Meille, enseignant-chercheur agronome à BSa et chercheur partenaire du projet, était également présent. Du côté des partenaires du projet, nous avions à nos côtés Juliette Cheval, chargée de mission à la CUMA640, Laurent Masseron, délégué général de Fédération Régionale d’Agriculture Biologique, et Gisèle Condemine, agricultrice dans la région de Chalais.

Déroulement de la journée

Nous avons séparé l’équipe en deux groupes de 4 et 5 personnes. Chaque équipe a d’abord réfléchi de son côté au cours de la matinée. Des post-it ont d’abord fait office de cartes. Il était alors possible de les coller au tableau et de les déplacer en fonction des réflexions de chacun. Deux schémas ont ainsi été produits par chaque équipe, deux « plateaux de jeu » qui se sont avérés très différents l’un de l’autre, mais également très différents des fresques du climat et AgriAlim que nous avions pris pour modèle. En particulier, dans les deux plateaux créés, les positions des cartes ne sont pas figées, contrairement aux fresques du Climat. L’après-midi a été consacrée à la présentation de chaque schéma à l’autre équipe.

Séance de travail

Premier plateau de jeu

Ce groupe constitué de Lionel, Daniele, Gisèle, Juliette C. et Juliette P., a produit un schéma qui prend plutôt la forme d’une cible que celui d’une fresque. Le groupe a commencé par lister les acteurs du milieu agricole. A partir de là, il fallait mettre ces cartes en forme dans un tout cohérent et explicatif des enjeux de l’agriculture aujourd’hui.

Le cœur de cible représente l’agriculteur sur sa ferme. Chaque carte-acteur définit ce qui intervient dans la réflexion de l’agriculteur lorsqu’il s’agit de son travail et de ses pratiques agricoles. Ces éléments ont été regroupés en quatre catégories, quatre cercles concentriques autour de l’agriculteur. Chaque cercle représente un type de frein qui intervient dans la réflexion de l’agriculteur lorsqu’il s’agit de faire évoluer ses pratiques.

Le cercle immédiatement autour de l’agriculteur correspond aux freins psychologiques, puis viennent dans l’ordre un cercle correspondant aux freins sociaux, techniques et enfin relevant du contexte politique. Ainsi, plus le cercle est éloigné de la carte « agriculteur », plus on considère qu’il s’agit de freins sur lesquels l’individu sur sa ferme a peu de prise.

Schéma (photo et reproduction) produit par le premier groupe

Le groupe a ensuite extrapolé sur les manières de faire vivre le plateau de jeu : dans un premier temps, le groupe de joueurs devrait placer les cartes sur le plateau. Dans un second temps, il choisirait de faire intervenir un élément nouveau au moyen de cartes dites “d’action”, mises en gras dans le schéma. Par exemple, un joueur active la carte du “foncier” la retirant du plateau, signifiant la rareté de l’accès au foncier. Le groupe doit alors imaginer de quelle manière cela bouleverse l’ensemble des cartes restantes. Afin d’avoir une approche territoriale sur la Nouvelle Aquitaine, chaque carte serait accompagnée au dos par des explications centrées sur l’état de l’agriculture dans la région. Dans le schéma, les termes à la fois en gras et soulignés représentent des cartes action liées au territoire de la Nouvelle Aquitaine : c’est le cas du tourisme.

Second plateau de jeu

Ce groupe était constitué de Leila, Delphine, Marie et Laurent. Le groupe a commencé par lister les acteurs du milieu agricole. Au moment de les mettre en place, il a choisi de regrouper ces cartes par catégorie en les ordonnant entre un point de départ : une situation donnée, et un point d’arrivée : un “futur désirable” vers lequel tendre. L’idée du plateau est de passer de la situation de départ à une situation qui prend la forme d’un futur désirable. Pour cela, le groupe de joueurs dispose de cartes dans plusieurs catégories : des « acteurs », des « externalités négatives », et enfin des « outils » ou leviers. Deux autres catégories de cartes sont regroupées dans une partie « historique » et une partie « arrivée ».

Schéma (photo et reproduction) produit par le deuxième groupe

Pour faire vivre le plateau de jeu, un groupe de joueurs devrait d’abord se mettre d’accord sur ce qui constitue leur situation initiale et définir ce qu’ils souhaitent que compose un futur désirable en agriculture. Il lui faudrait ensuite déplacer les cartes à disposition parmi les leviers et les risques pour passer de l’un à l’autre.

Le processus imaginatif des plateaux

Dans les deux cas, au début de la réflexion, les groupes ont eu le même réflexe de commencer par lister les acteurs impliqués dans le milieu agricole. Cependant, les plateaux de jeu créés sont bien différents et ne tendent pas vers le même but. En effet, le premier plateau est centré sur l’agriculteur en tant qu’individu, et met en scène ce qui entre en jeu dans une possible évolution de ses pratiques au niveau de sa ferme. Le second plateau, au contraire, se place au niveau politique, et met en scène ce qui entre en jeu dans une réflexion collective vers un futur désirable commun.

L’imagination de chaque plateau a été influencée par les personnes qui composaient le groupe. Le premier groupe a choisi l’image d’une cible, avec l’agriculteur au centre et l’objectif de montrer ce qui intervient dans le processus d’un changement de pratiques. Ce choix a été influencé par les réflexions de Juliette Porte, qui a proposé cette présentation sur la base de ses réflexions tirées d’une première analyse de son matériau de thèse. Il a aussi été discuté et modifié par Gisèle Condemine, directement concernée par la question, en tant qu’agricultrice.

Le deuxième groupe a choisi de rendre visible un mouvement vers un changement de modèle agricole, avec un futur désirable sur lequel il serait possible de se mettre d’accord et vers lequel tendre. Ce schéma prend une forme linéaire, et tend de manière explicite d’un point A vers un point B. Ce choix a été influencé par les réflexions de Laurent Masseron, délégué de la FRAB, qui travaille au quotidien sur l’impulsion qu’il est possible de donner à une politique publique.

Échanges autour de chaque plateau

Chacun a valorisé ce qui lui a plu dans le travail effectué par l’autre groupe. Ainsi, l’approche « centrée sur l’humain » du plateau en forme de cible, et la définition d’un objectif dans la recherche d’un « futur désirable » du plateau proposé par le deuxième groupe, ont été des aspects mis en avant. Si les ateliers de ce type devaient se poursuivre, nous sommes tous d’accord sur la nécessité de fusionner les deux plateaux, tout en gardant l’idée d’amener les participants à construire un scénario sur la base d’un « futur désirable » préalablement déterminé en commun.

Il en ressort de cette journée des interrogations fortes, notamment autour de l’objectif d’un tel jeu et de son public-cible : faut-il s’adresser à des décisionnaires en mélangeant les sensibilités, et dans ce cas axer le travail sur l’élaboration d’un outil d’évaluation des politiques publiques ? Ou faut-il s’adresser à des étudiants, et dans ce cas s’orienter vers un jeu éducatif de compréhension d’un sujet ? 

Compte-rendu rédigé par Juliette Porte, doctorante au Centre Emile Durkheim

APPEL À PARTICIPATION : Questionnaire en ligne

Si vous êtes agriculteur ou agricultrice et que votre exploitation se situe en Nouvelle-Aquitaine, nous avons le plaisir de vous inviter à répondre à un questionnaire élaboré par l’équipe du programme de recherche TRANSAGRINA.

Le questionnaire vise à étudier les évolutions de l’agriculture au cours des dernières années. Les questions portent sur votre exploitation, votre trajectoire, vos attentes, vos conditions de travail et vos pratiques.

Le remplissage du questionnaire se fait par internet et demande à peu près 20 minutes (mais il est possible d’arrêter et de le reprendre plus tard). Les réponses sont stockées sur un serveur sécurisé de l’Université de Bordeaux.

La qualité des résultats de notre recherche dépendra largement du nombre de réponses collectées. Il serait donc très important pour nous que vous acceptiez de nous aider en remplissant le questionnaire.

VOICI LES DEUX LIENS POUR PARTICIPER À CETTE RECHERCHE :

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Si vous avez déjà commencé à remplir le questionnaire et vous n’avez pas eu le temps de finir :

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